Du rire et du rêve pour tous les goûts
Le cinéma français continue
de franchir les frontières de l'hexagone. Deux nouveaux films français tout à fait
sympathiques, bien que de styles très différents, débarquent en Israël, avec les
premières pluies de la saison qui ramènent
traditionnellement le public, surpris par là fraicheur de
l'automne, vers le confort et la chaleur des salles obscures. La Science des rêves, dernier opus
de Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind), avec Charlotte
Gainsbourg, Alain Chabat et l'acteur argentin Gael Garcia Bernai dans les rôles
principaux, est sur vos écrans depuis quelques jours déjà, dans les
salles des cinémas Lev.
Quant au dernier long métrage de l'un des célèbres scénaristes réalisateurs de comédies "à la bonne franquette" en la personne de Francis Veber (Les Compères ; L'Emmerdeur ; La Chèvre ; Le Dîner de Cons), La Doublure, avec Daniel Auteuil, Kristin Scott Thomas, Virginie Ledoyen et Gad Elmaleh, sortira dans les salles Rav Hen le 9 novembre prochain. De quoi réchauffer agréablement vos soirées pluvieuses.
Ce changement s'exp ique par le fait que La
Science des rêves est une histoire autobiographique, censée faire
Partager au public les lieux et les périodes qui ont
marqué la jeunesse du réalisateur.
L'immeuble, par exemple, dans lequel habitent
les deux héros du film (puisqu'il s'agit encore une fois d'une histoire d'amour), Stéphane (Gael
Garcia Bernai) et Stéphanie (Charlotte Gainsbourg), est celui dans
lequel vivait Michel Gondry en 1991 et dans lequel réside, jusqu'à ce jour, la mère de son
fils.
L'histoire débute avec
l'arrivée à Paris de Stéphane qui revient en France chez sa mère, alors
qu'il vivait au Mexique, et qu'il vient de perdre son père. Celle-ci
(Miou Miou) lui a trouvé un emploi dans une entreprise de calendriers
promotionnels. Stéphane, l'imaginatif qui rêve de créativité, déchante vite lorsqu'il
se rend compte que son travail de maquettiste s'applique à de vulgaires
séries de Photographies érotiques. Les clients de son entreprise n'ont
que faire d'un esprit créatif et ses collègues de
travail sont des types franchouillards grossiers jusqu'à la
caricature, avec qui le jeune homme, déjà pas très bien dans sa
peau, a beaucoup de mal à communiquer, sans compter la barrière de la
langue.
Stéphane souffre
non seulement de cette nouvelle vie triste et monotone, mais il souffre aussi
d'un, mystérieux syndrome qui le rend incapable de distinguer les états de veille
et de sommeil et le fait vivre sa vie deux fois et dans deux mondes différents, l'un
bien réel et l'autre totalement féerique. Le jour de l'emménagement de sa
nouvelle voisine, la belle et timide Stéphanie, celle
ci le prend pour le copain d'un copain venu l'aider, et le quiproquo engendre
le début de l'idylle entre les deux jeunes gens à l'esprit
fantasque, qui vont se découvrir une passion commune pour le bricolage
de matériaux de récupération...
La caméra de La
Science des rêves a été traitée pour lui donner l'aspect du Super 8, teinter ainsi l'histoire et les
personnages des couleurs moroses de la réalité et donner au
spectateur l'impression du documentariste intime et de la proximité. Le couple
improbable Garcia Bernal-Gainsbourg est extrêmement maîtrisé par le réalisateur qui
muselle les deux acteurs au profit de la petitesse de la condition humaine et
de la grandeur de la beauté onirique.
Car l'acteur principal de ce film est bien le
rêve tout comme la mémoire était celui de
Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Ce n'est pas très important de
savoir si Stéphanie aime ou pas Stéphane, ni si l'histoire se tient.
Ce qui est important dans La Science des rêves, comme son
nom l'indique, d'ailleurs, c'est la poésie et la
nostalgie du monde de l'enfance que Michel Gondry refuse à l'évidence de
quitter, et qu'il sait si bien nous faire aimer et parfois aussi, pour ceux
nombreux d'entre nous qui ont grandi un peu trop vite, nous faire regretter. On
sort de la salle avec un sourire au coin des lèvres, les yeux
qui clignotent de beauté et d'extraordinaire et l'envie de feuilleter
un vieil album photo pour rappeler à notre mémoire les mondes
merveilleux de l'âge innocent. Pour tous ceux qui veulent apprendre ou réapprendre à rêver..
Nombreux sont ceux qui attendent avec
impatience de découvrir le nouveau François Pignon, héros traditionnel
des comédies populaires cultes de Francis Veber, interprété
successivement par Jacques Brel, Pierre Richard, puis Jacques Villeret.
Celui-ci n'est autre, en effet, que le "chouchou" des francophones
israéliens, Gad Elmaleh qui prouvait aux yeux de tous, il y a quelques mois, sa
place d'honneur dans notre coeur, en remplissant la salle de trois milles
spectateurs du Binianei Haouma à Jérusalem, lors
d'un spectacle dont on se souvient encore aujourd'hui. Et Gad Elmaleh n'est pas
venu seul participer à cette superbe partie de rigolade qu'est La Doublure,
puisque son compère comique Danny Boon mais aussi les
vedettes Daniel Auteuil et Richard Berry ont dit "oui" au réalisateur, prouvant
ainsi une fidélité professionnelle de longue date.
Mais la particularité du dernier
film de Veber est la place qu'il y fait pour la première fois aux
femmes, avec les nouvelles venues Alice Taglioni, Virginie Ledoyen et Kristin
Scott Thomas. Francis Veber, qui jusqu'alors écrivait
exclusivement des histoires d'amitié entre hommes,
invite cette fois-bi l'amour et les quiproquos et gags qui vont avec dans son
univers cinématographique.
Pignon, personnage chaplinesque par
excellence qui n'a naturellement rien demandé à personne mais
à qui tout arrive, a maille à partir dans ce nouvel épisode avec le
millionnaire Pierre Levasseur (Daniel Auteuil), patron d'une multinationale et
marié avec la principale actionnaire, mais extrêmement épris d'Elenar (Alice
Taglioni), un top model de rêve. Surpris avec sa jeune maîtresse par un
paparazzi et terriblement effrayé à l'idée du désastre
financier que représenterait un divorce, Levasseur, aidé de son avocat
machiavélique (Richard Berry), profite de la présence fortuite
de François Pignon sur la Photographie publiée dans la
presse pour inventer un mensonge invraisemblable.
Contre promesse de mariage à sa belle, il
persuade la sublime Elena d'aller vivre pendant quelques temps dans la chambre
de bonne du jeune homme et de faire semblant qu'elle est sa compagne. Et Pignon,
voiturier de son état, se retrouve non seulement au lit avec une déesse, mais aux
prises avec la presse, les filatures et la jalousie titanesque de Levasseur,
tout cela au risque de perdre la confiance de ses amis et l'amour de celle
qu'il aime...
Francis Veber déteste l'ennui,
aime le rythme, les parties de ping-pong verbales et les gags à tire-larigot.
Il est sans conteste le roi du pur divertissement cinématographique
en France et son dernier film e prouve à nouveau.
Veber est aussi un formidable créateur de
personnages, attachants par leurs faiblesses, drôlissimes
lorsqu'ils sont excessifs, touchants aussi par leurs excentricités.
Pignon-Elmaleh est craquant au possible
lorsqu'il ignore la bombe atomique assise en face de lui au restaurant et fait
les yeux doux à celle qu'il rêve d'épouser depuis l'enfance (et quelle vengeance, pour toutes les filles aux
mensurations standards de penser que Gad nous préfère à Claudia
Sheaffer...).
Le père de
celle-ci, médecin et hypocondriaque, est à la fois drôle et émouvant
lorsqu'il s'évanouit sur l lit de son patient et demande à celui-ci de
lui faire une piqûre. Levasseur est hilarant lorsque, poussé per une
jalousie irrationnelle, il ne se retient plus de fulminer contre la mise en scène qu'il a
lui-même commanditée. Ces personnages ne manqueront sans doute pas de vous rappeler les grandes
comédies de Molière. Et Francis Veber, à l'instar du génial écrivain
dramatique dont il s’est inspiré, cache lui
aussi sous la "doublure" de son histoire drôle, une
critique véritable de la société moderne. Son
film est au final une comédie sentimentale très sympathique
et moins légère qu'elle n'en a l'air, pour tous ceux qui savent que rire et réfléchir ne sont
pas forcément contradictoires.
La Science des rêves, de Michel
Gondry, actuellement dans les cinémas Lev.
La Doublure, de Francis Veber, dans les
salles Rav Hen, à partir du 9 novembre.
Par Sandrine Ben David, 7 novembre 2006