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Sandrine Ben David
4 décembre 2009

Art Focus 5

Art Focus 5 : Prochaines rencontres internationales d'art moderne à Jérusalem, du 23 septembre au 23 octobre 2008.

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La cinquième édition de cette grande manifestation multilatérale autour de la création contemporaine, sous l'égide commune des conservateurs français et israélien Bernard Blistène et Ami Barak, aura pour intitulé « Can art do more? » (« Est-ce que l'art peut faire plus? »), en référence à la célèbre définition de Jean-Luc Godard : « What art wants? everything ; what art can? nothing ; what art does? something » (« Que veut l'art? tout ; que peut l'art? rien ; que fait l'art? quelque chose »).


Pensé et constitué comme un événement ouvert, pluridisciplinaire et promoteur de diversité esthétique et culturelle, Art Focus a pour objectif premier la démonstration des velléités et des discernements de la création artistique moderne, en opposition systématique à la tendance générale de globalisation. À une époque où biennales et manifestations culturelles foisonnent et se  dédoublent partout dans le monde, Art Focus 2008 exprime clairement sa volonté de se différencier en réitérant une tradition de longue date : l'introduction, au sein même de l'évènement artistique. d'un contexte politique et culturel d'une intensité dramatique pertinente.

Il est en effet inconcevable, pour les créateurs de cette nouvelle édition, d'ignorer les enjeux qui motivent l'évolution politique et sociale de la société israélienne et du Proche Orient, et c'est la raison pour laquelle Ami Barak et Bernard Blistène ont sollicité les artistes participants autour de la question « Can art do more? ». Il sera autant du devoir que de la liberté de chaque créateur de tenter d'apporter une réponse à cette énigme. Art Focus 5 est conçu comme un carrefour d'échanges artistiques et philosophiques qui étudie les possibilités inaugurées par la création moderne, qui réunit les propositions artistiques et les idéaux de partage et de communauté culturelle, en insistant sur le pouvoir et la nécessité de l'impact de l'acte créateur.

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En empruntant la formulation de Gilles Deleuze, les concepteurs de cet événement unique encouragent l'art en tant que « formulation d'une échappée qui ne peut pas être une échappatoire », en recherche incessante d'alternatives à la culture de masse et d'inventions nouvelles qui permettraient l'introduction de la fraternité dans le langage artistique. Ils prônent l'exaltation de la pluralité des êtres et des possibilités, face aux dangers de perte d'identité de l'individu citoyen d'une société moderne « désubjectivante », et de perte de capacité de l'artiste à confronter toutes les formes du pouvoir dans son exercice. L'exposition proposera, en marge des travaux des nombreux créateurs invités, certaines oeuvres typiques des utopies artistiques des années 70', qui leur tiendront lieu de points de référence et, de proposition en proposition, s'exprimeront ainsi les pensées et les articulations des utopies du XXIème siècle et des temps à avenirs.

Art Focus est un projet dirigé depuis sa création par le Dr Noa Aviram et le conservateur Yigael Zalmona. Il reçoit le soutien de la Fondation Jérusalem, en coopération avec le Ministère israélien de l'Éducation et des Arts, le département culturel de la municipalité de Jérusalem, et la Division des Relations Scientifiques et Culturelles du Ministère des Affaires Étrangères. Sa cinquième édition aura lieu entre le 23 septembre et le 23 octobre 2008 prochains, au Pavillon Benit Center, au 14 rue Ha'uma, dans le quartier de Talpiot à Jérusalem. Renseignements sur le site Internet http://artfocus.org.il/en/

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Voici une sélection de quatre artistes parmi les nombreux participants à Art Focus 5:

Michel Blazy travaille avec des matériaux périssables issus du quotidien : coton hydrophile, papier toilette, sacs plastique, aliments. Avec eux, il crée des installations précaires qui croissent ou dépérissent pendant la durée de ses expositions. Ses photographies et vidéos enregistrent des événements tout aussi fragiles et poétiques.

Michel Blazy travaille avec le vivant. Il le place au centre de son travail d’artiste et le laisse « faire son œuvre ». Dispositifs évolutifs et installations éphémères lui permettent d’explorer la prolifération incontrôlée de micro-organismes dont les transformations et changements d’état sont autant de moments nécessaires à l’activation de l’œuvre et à son développement, au sens le plus concret du terme. Bâtisseur d’univers aléatoires et fragiles, Michel Blazy aime manipuler les matières, tenter d’en contrôler disparition et transformation ou, bien au contraire, en être entièrement dépendant. Les micro-événements que l’aventure suscite sont essentiels aux déploiements du parcours : germinations souhaitées ou accidentelles, dessiccations et altérations des matières, moisissures et pourrissements microscopiques, dégradations des surfaces, dégénérescences, transmutations, décrépitudes des formes, toutes ces énergies fébriles du vivant sont revendiquées par l’artiste comme autant d’opérations essentielles à l’élaboration de l’œuvre. Le vivant ne se conçoit pas sans de multiples énergies mortifères, métamorphoses et nombreuses étrangetés. Les œuvres de l’artiste intègrent cette complexité qui se déploie avec toutes ses ambiguïtés, son caractère parfois inquiétant, voire repoussant. Araignées, peau de bête, trophée de chasse, champignon atomique, squelettes… autant de sculptures en matières comestibles qui forment un étrange bestiaire, un cabinet de curiosités paradoxales. Statique sous un certain angle, le travail de l’artiste est en réalité habité par une multitude d’infimes mouvements qui ne cessent de faire et de défaire les formes à chaque instant, déroutant les catégories de la perception, aussi bien que celles du monde de l’art.

Claire Fontaine est un collectif qui a été fondé en 2004 et vit à Paris. Après avoir tiré son nom d'une marque populaire de cahiers pour écoliers, Claire Fontaine s'est auto-déclarée une « artiste ready-made » et a commencé à élaborer une version d'art néo-conceptuel qui souvent ressemble au travail d'autres gens.

Elle utilise le néon, la vidéo, la sculpture, la peinture et l'écriture, sa pratique peut être décrite comme un questionnement ouvert de l'impuissance politique et de la crise de la singularité qui semblent caractériser l'art contemporain aujourd'hui. Mais si l'artiste elle-même est l'équivalent subjectif d'un urinoir ou d'une boîte Brillo - aussi déplacée, privée de sa valeur d'usage et interchangeable que les produits qu'elle crée - il reste toujours la possibilité de ce qu'elle appelle la « grève humaine ». Á l'âge de seulement deux ans, Claire Fontaine se sert de sa fraîcheur et de sa jeunesse pour se transformer en singularité quelconque et en terroriste existentielle en quête d'émancipation. Elle pousse au milieu des ruines de la fonction auteur, en expérimentant avec des protocoles de production collectifs, des détournements, et la mise en place de divers dispositifs pour le partage de la propriété intellectuelle et de la propriété privée.

Pascale Marthine Tayou est né en 1967 à Yaoundé, Cameroun. Il vit et travaille à Yaoundé et à Bruxelles. Artiste inclassable, multiforme et multimédia, Pascale Marthine Tayou présente depuis une dizaine d'année ses installations complexes et paradoxales dans les musées du monde.

Pour Africa Remix, il interroge la ruralité contemporaine, une apparente contradiction dans une Afrique où la campagne est imaginée comme figée dans le passé. L' « urbanité rurale » est une installation fluide et impalpable comme les feuillages projetés dans l'exposition. L'oeuvre de Pascale Marthine Tayou, autodidacte, est une expérience qui se vit plus qu'elle ne s'explique. On le connaît pour ses assemblages, ses dessins, ses installations et ses textes, dont la matière première est fournie par les détritus de la société dont il explore et exploite l'état de décomposition. Il commence à exposer en 1994. A l'époque, ce sont des assemblages représentant des figurines qui, circonscrites dans les limites d'un cadre de bois, se lisent comme des tableaux à double face. Il s'agit de sa série sur le sida inspirée par sa rencontre avec une jeune victime. Tout y est, de la tête aux pieds, sans oublier les organes génitaux vecteurs de la maladie. Puis son travail évolue vers un langage conceptuel dans lequel il est davantage question d'expression spontanée que de narration. Graffiti, dessins schématiques, écrits, jurons, se combinent dans des pièces allant de Looobhy (1995) au labyrinthe qu'il  présente au couvent des cordeliers, à Paris en 1997. Il crée aussi La vieille neuve (2000) qui retrace puis inverse l'ordre de transit d'un bien manufacturé, une épave de voiture; ou encore Game Station (2002), qui fait du trop de communication une cacophonie incompréhensible. Son projet pour Africa Remix, intitulé Urbanité rurale, est une installation qui évoque les relations perméables entre ville et campagne dans son pays d'origine.

Haim Steinbach est une figure incontournable de l’art d’aujourd’hui. Apparu sur la scène artistique à la fin des années soixante-dix à New York, très présent en France au milieu des années 80, en témoigne l’exposition personnelle que lui a consacrée le CAPC de Bordeaux sous la direction de Jean-Louis Froment en 1988, l’oeuvre de Haim Steinbach s’inscrit de manière pertinente et précise dans l’histoire de la représentation contemporaine.

L’un des paradigmes critiques que le travail de Haim Steinbach soulève interroge notre relation aux objets. Que ce soit des objets manufacturés de la grande distribution et de l’industrie du luxe, ou encore ceux de collection, de brocante et de mémoire. Par les dispositifs de présentation auxquels il les soumet et nous les fait percevoir, par les correspondances qu’il établit, il génère un faisceau d’associations, de souvenirs et de projections mentales, sans fin, ni hiérarchie, où chaque spectateur se retrouve confronté à ses propres interrogations, à ses propres grilles de lecture et d’analyse. Ainsi, son œuvre constitue sans aucun doute l’une des positions les plus radicales et les plus justes en regard de la place et du rôle central que notre société assigne aux objets, que ce soit à travers la culture consumériste et mercantile du monde et la séduction du néant que les objets nous imposent, mais aussi à travers les processus d’identité et de projection présents dans le processus de la collection et des souvenirs.

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Sandrine Ben David (Jerusalem Post Edition Française, octobre 2008)

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